Éviter Les Dépendances De Substitution

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Certains croient que les personnes ayant une propension à la dépendance demeureront dépendantes toute leur vie, peu importent leurs échecs ou succès antérieurs.

Est-ce inévitable? Non, mais les dépendances de substitution représentent toutefois un véritable défi.

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Cet article aborde les sujets suivants :

  • Qu'est-ce qu'une dépendance de substitution?
  • Comment détecter une dépendance de substitution?
  • Une dépendance de substitution positive est-elle chose possible?
  • Comment prévenir les dépendances de substitution?
  • Comment s'en rétablir?

Qu'est-ce qu'une dépendance de substitution?

Lorsqu’une personne remplace un type de dépendance par un autre, on dit qu’elle a développé une dépendance de substitution. Pour expliquer ce phénomène, plusieurs études ont démontré qu'un vaste éventail de substances et de dépendances comportementales peuvent remplir des fonctions similaires de relaxation, de surstimulation ou d'évasion. De plus, les dépendances ont tendance à désensibiliser le système de récompensei (1). Le cerveau privé de dopamine, dans la phase précoce de la sobriété, trouvera une compensation dans des activités génératrices d'euphorie susceptibles de remplacer les anciens comportements de dépendance par de nouvelles habitudes nocives telles que le jeu, la boulimie, l’hypersexualité, l'exercice compulsif, l’ergomanie ou la dépendance à Internet.

Les dépendances de substitution peuvent survenir pendant ou après le traitement de la dépendance originelle, et constituent une occurrence fréquente pendant le rétablissement (2).

Parfois, la substance originelle sera remplacée par une autre substance, mais celle-ci n’est pas la forme la plus probable de substitution. On estime généralement qu'une personne qui se remet d'une toxicomanie est plus susceptible d’en contracter un autre, mais une recherche effectuée sur un échantillon de plus de 13 000 adultes toxicomanes a montré un pourcentage de substitution de substances de 13,1 % seulement trois ans après le rétablissement (3). Parmi les facteurs augmentant considérablement l’occurrence de l’usage d’une substance de remplacement, l'étude cite le fait d’être de sexe masculin, d’être jeune ou de n’avoir jamais été marié ainsi que la présence d’une comorbidité psychiatrique.

Cependant, d'autres formes de dépendances de substitution pourraient être tentantes parce qu'elles semblent moins nocives, comme le magasinage compulsif ou la compulsion alimentaire. Il est à noter que cette substitution peut aller dans les deux sens. En effet, la nourriture et les médicaments ou drogues affectent les mêmes circuits de plaisir et de récompense du cerveau, et on a observé chez certains patients de chirurgie bariatrique la substitution de l’excès de nourriture à l’usage de médicaments ou de drogues (4). Cette recherche démontre qu'un toxicomane* a plus qu’un besoin irrépressible d'une substance, il peut également tenter de combler un besoin émotionnel, de soulager une douleur psychologique ou d'éviter d’aborder un problème personnel sérieux.

Comment détecter une dépendance de substitution?

Les dépendances de substitution et les dépendances originelles ont plusieurs points en commun. Les deux questions importantes à se poser sont les suivantes : le comportement est-il compulsif et est-il hors de contrôle?

Voici quelques-uns des critères permettant de déterminer s’il s’agit ou non d'un cas de dépendance de substitution. L'activité, la substance ou le comportement est-elle ou est-il :

  • Une source rapide de soulagement en présence d’une poussée de douleur émotionnelle ou d'anxiété?
  • Une nouvelle façon de ressentir une satisfaction instantanée ou une sensation forte?
  • Un incontournable de la routine quotidienne?
  • Une alternative au détriment de plusieurs activités familiales ou professionnelles?
  • Ancré, malgré l’accumulation des conséquences fâcheuses, comme l'isolement, les problèmes financiers ou de santé physique ou mentale ou la détérioration des relations?

Toute réponse positive aux questions ci-dessus mérite d’être examinée plus à fond.

Pendant leur rétablissement, les personnes portées sur la dépendance sont vulnérables à d'autres substances susceptibles de répondre à leurs besoins. Selon la théorie de remplacement cependant, elles chercheront une alternative moins nocive que l'original5 telles que les dépendances comportementales ou la dépendance aux substances plus courantes, comme l'alcool ou la nicotine. Il ne faut pourtant pas traiter ce phénomène à la légère, car cette substitution renforce les comportements d'une personne ayant une propension à la dépendance et peut ainsi augmenter le risque de rechute (2) (5).

Une dépendance de substitution positive est-elle chose possible?

Et si la dépendance de substitution consistait en une activité positive, comme l'exercice? S’agirait-il alors d’une dépendance positive? Bien que moins nocive, cette nouvelle activité, si elle est exercée de façon compulsive, alimentera néanmoins une personnalité portée sur la dépendance et continuera de nuire à la maîtrise de soi et à la sensibilité à la dopamine. La personne toxicomane deviendra alors encore plus vulnérable à la dépendance et à la rechute ( 6).

Par exemple, du moins selon certains chercheurs, le fait de lire, de jardiner ou de jouer d'un instrument de musique n’entraîne pas généralement de comportements de dépendance destructeurs (7). Certaines activités sont plus susceptibles que d’autres de prévenir la formation d’une dépendance, du moins chez la plupart des gens.

Ces activités partagent souvent trois caractéristiques principales :

  • Elles impliquent des mouvements réguliers et lents, comme le jardinage.
  • Elles exigent une planification et un traitement délibérés, étape par étape, de l'information.
  • Elles procurent des avantages à long terme plutôt que des avantages hédoniques à court terme, lesquels entraînent, au fil du temps, des pertes relatives (8).

Au vu de ces caractéristiques, on ne peut étiqueter toutes les habitudes comme des dépendances de substitution, et certaines pourraient en fait faciliter le rétablissement.

Comment prévenir ou éviter une dépendance de substitution?

Un autre élément susceptible de définir un nouveau comportement positif pourrait être le sentiment d’appartenance. Pour reprendre l'exemple du jardinage, une personne ayant une propension à la dépendance pourrait entretenir un sentiment d’appartenance à la nature. Nombreuses sont les personnes ayant une propension à la dépendance qui choisissent de changer complètement de cercle social afin de fréquenter des personnes en santé qui les tiennent à l’écart de leur habitude et, dans de nombreux cas, leur permettent de briser les liens toxiques qu’ils entretiennent avec des personnes ou des activités entièrement axées sur la dépendance.

Sur la base de ses recherches, le journaliste britannique Johann Hari affirme que le contraire de la dépendance n'est pas la sobriété, mais bien le sentiment d’appartenance. La toxicomanie est moins une affaire de dépendance aux effets agréables de certaines substances que l’incapacité du toxicomane d’entretenir une relation saine avec autrui. Comme on peut le lire dans la revue Psychology Today : « La toxicomanie n'est pas un trouble causé par la surconsommation de substances psychoactives, c'est un trouble de l’adaptation » (9).

Donc logiquement, l'une des meilleures façons de prévenir la dépendance de substitution consisterait à côtoyer des personnes en santé et à exercer des activités saines. Cette méthode semble s'aligner sur les programmes en 12 étapes qui mettent l’ex-toxicomane en contact avec ses pairs et, spirituellement, avec une puissance supérieure.

Mais ce n’est pas aussi simple que cela.

Dans son article « Drug addiction, love and the Higher Power » (Dépendance à la drogue, amour et Puissance supérieure), le chercheur et spécialiste de la toxicomanie Steve Sussman écrit : « la prière, la méditation, les débuts de l'amour romantique et l'abus de drogues auraient en commun l'activation du processus de libération de la dopamine dans le cerveau et l’obtention d'états émotionnels intenses. En ce sens, le recours à une puissance supérieure peut fonctionner comme une dépendance de substitution, qui remplace les fonctions psychobiologiques autrefois occupées par la consommation de drogues ». Sussman poursuit en disant qu'un toxicomane risque dans certains cas d’éviter de travailler sur ses problèmes sous-jacents et compter sur la Puissance supérieure pour les résoudrex (10).

D'autres font remarquer que la dépendance à l'égard d'une puissance supérieure peut fournir un moyen de maintenir un apport relativement optimal de dopamine au système de récompense du cerveau à la suite de l’abandon d’une drogue. Cela est essentiel, étant donné la faible production de dopamine dès le début du processus d'abstinence, état qui persiste s’il n'est pas traité (11).

Comment se rétablir d'une dépendance de substitution?

S'il semble y avoir de bons arguments des deux côtés concernant les programmes en 12 étapes, le moyen le

plus efficace de se rétablir d’une dépendance, qu’elle soit d'origine et de substitution, semble être de travailler sur soi-même par la thérapie dans un état d'abstinence.

Très souvent, un problème sous-jacent incite au comportement de dépendance, de sorte qu'il agit comme un mécanisme d'adaptation. Ce pourrait être, par exemple, une situation anxiogène, un deuil inachevé ou un lien avec un évènement traumatisant vécu par le passé. Le fait de cerner et de mettre au jour ces problèmes et de tenter de les guérir contribuera au processus de rétablissement et permettra de prévenir l’apparition de nouvelles dépendances.

Voici quelques-unes des méthodes fondées sur des données probantes les plus efficaces pour lutter contre la dépendance (12) :

  • Les thérapie cognitivo-comportementale et dialectique (TCC et TCD) : ces thérapies nous apprennent à cerner et à corriger les pensées et comportements problématiques en favorisant la précision des pensées et l’efficacité des stratégies d'adaptation.
  • La thérapie de renforcement de la motivation : elle est particulièrement efficace pour traiter les dépendances à l'alcool et au cannabis et pour inciter les gens à se faire soigner.
  • Les méthodes fondées sur le traitement des traumatismes : elles abordent les conséquences des expériences traumatisantes, changent les pensées problématiques et favorisent l’élaboration de stratégies d'adaptation. Elles reconnaissent le besoin d'être respecté, informé, relié à autrui et confiant dans son propre rétablissement. Elles permettent de comprendre l'interrelation entre les traumatismes et les symptômes de dépendance de substitution, de troubles de l'alimentation, de dépression ou d'anxiété (13).

En fin de compte, le lien le plus sûr vers le rétablissement est celui qui nous unit à notre moi profond.

Références :

  1. Sussman, S., Lisha, N., & Griffiths, M. (2011). Prevalence of the Addictions: A Problem of the Majority or the Minority? Evaluation & the Health Professions, 34(1), 3–56. Source : https://doi.org/10.1177/0163278710380124
  2. Hodgins, David & Kim, Hyoun S (Andrew) & Stea, Jonathan. (2017). Increase and Decrease of Other Substance Use During Recovery from Cannabis Use Disorders. Psychology of Addictive Behaviors. 31. 727-734. 10.1037/adb0000307.Source: https://www.researchgate.net/publication/318745738_Increase_and_Decrease_of_Other_Substance_ Use_During_Recovery_from_Cannabis_Use_Disorders
  3. Blanco C, Okuda M, Wang S, Liu SM, Olfson M (2014). Testing the drug substitution switching-addictions hypothesis. A prospective study in a nationally representative sample. JAMA Psychiatry. 2014 Nov;71(11):1246-53. doi: 10.1001 jamapsychiatry.2014.1206. Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25208305
  4. Substituting Addictions, by Jeanene Swanson. The Fix (October 23, 2014). Source: https://www.thefix.com/content/substituting-addictions
  5. Sussman, Steve & Black, David. (2008). Substitute Addiction: A Concern for Researchers and Practitioners. Journal of drug education. 38. 167-80. 10.2190/DE.38.2.e.
  6. Elliott, L., Golub, A., Ream, G., & Dunlap, E. (2011). Video game genre as a predictor of problem use. Cyberpsychology, Behavior, and Social Networking, 15, 127-128.
  7. Lesieur HR, Blume SB. Pathological gambling, eating disorders and the psychoactive substance use disorders. Journal of Addictive Behaviors. 1993;12:89–102. [PubMed] [Google Scholar] AND Sussman S, Lisha N, Griffiths M. Prevalence of the addictions: A problem of the majority or the minority. Evaluation & the Health Professions. 2010;34:3–56. [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar] (SD: même étude qu’en I ci-dessus)
  8. Herrnstein RJ, Prelec D. Melioration: A theory of distributed choice. The Journal of Economic Perspectives. 1991;5:137–156. [Google Scholar]
  9. Robert Weiss Ph.D. The Opposite of Addiction is Connection. Psychology Today. Sept. 30, 2015. Source: https://www.psychologytoday.com/us/blog/love-and-sex-in-the-digital-age/201509/the-opposite-addiction-is-connection
  10. Sussman S, Reynaud M, Aubin H.J., Leventhal A.M. Drug addiction, love, and the higher power. Eval Health Prof. 2011;34(3):362–370.doi:10.1177/0163278711401002 Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3185195/
  11. Markou A, Kosten TR, Koob GF. Neurobiological similarities in depression and drug dependence: A self-medication hypothesis. Neuropsycho-pharmacology. 1998;18:135–174. [PubMed] [Google Scholar]
  12. Principles of Drug Addiction Treatment: A Research-Based Guide (Third Edition). Source: National Institute on Drug Abuse; Behavioral Therapies : https://www.drugabuse.gov/publications/principles-drug-addiction-treatment/evidence-based-approaches-to-drug-addiction-treatment/behavioral-therapies
  13. Source : MentalHealth.org: https://www.mentalhealth.org/get-help/trauma