La dépression post-partum

Image

Les nouvelles mères et les femmes enceintes doivent faire face à divers obstacles lorsqu’elles se préparent à relever les défis de la parentalité.

Au cours des derniers mois, la pandémie de COVID-19 a modifié les attentes et a rendu plus complexes ces tâches, préparatifs et routines. À la complexité d’avoir un enfant pendant une pandémie s’ajoute la possibilité d’une dépression post-partum.

L’examen de quarante-huit articles portant sur huit études longitudinales de la santé sociale et émotionnelle des femmes au cours de la première année suivant leur accouchement a révélé que la dépression postnatale est une maladie grave qui affecte potentiellement de 10 à 20 % des femmes à l’échelle planétaire (1).

Cette étude a révélé en outre que des antécédents de dépression et des problèmes de couple étaient les meilleurs indicateurs de dépression postnatale et d’anxiété. De plus, bien que le fait de devenir mère à un jeune âge n’est pas en soi un facteur de risque, il pourrait l’être s’il est accompagné de difficultés socioéconomiques. Nous ne pouvons ignorer la recherche montrant que les mères célibataires sont plus à risque de troubles de santé physique et mentale, comparativement aux mères qui vivent une relation stable (2).

La dépression postnatale peut toucher une femme sur trois parmi les sous-populations composées d’adolescentes, d’anciennes combattantes ou de femmes défavorisées.

Il importe de se rappeler que la dépression pendant et après la grossesse (également appelée dépression périnatale) est traitable, et que les femmes s’en rétablissent grâce au traitement approprié. Il existe plusieurs types de traitement selon la gravité des symptômes et des facteurs socio-économiques. Cet article aborde des indicateurs, les risques à long terme et des plans d’action pour le traitement de la dépression postnatale, y compris la psychothérapie verbale. On assiste à une prise de conscience parmi les obstétriciens et les pédiatres au sujet de la nécessité de traiter la dépression périnatale. Mais comme c’est le cas pour tous les autres troubles de santé mentale, la dépression périnatale est un problème sur lequel toute la famille doit travailler.

Pendant une pandémie, de nombreuses nouvelles mères et femmes enceintes ont des questions et des préoccupations au sujet de la grossesse et des soins à prodiguer à leur bébé. En voici quelques-unes: (3)

Q : Si la mère et le bébé sont en bonne santé, y a-t-il des précautions particulières que les parents devraient prendre pour protéger leur nouveau-né contre le virus?

R : À l’heure actuelle, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) ne recommande en aucun cas de séparer le nourrisson de sa mère. Les femmes qui choisissent d’allaiter devraient le faire, tant qu’elles continuent de prendre des précautions de lutte à l’infection. Pendant la pandémie, on recommande aux nouveaux parents de limiter leurs contacts avec autrui ainsi que le nombre de personnes qui visitent le nouveau-né.

Q : Certains centres de maternité canadiens ont modifié leurs politiques concernant les visiteurs. En quoi cela diffère-t-il des directives antérieures à la COVID-19?

R : Les femmes enceintes devraient s’informer auprès de leur hôpital ou centre de naissance des changements apportés aux politiques concernant les visiteurs.

Q : Quels conseils particuliers est-il conseillé de suivre les premiers jours et semaines après l’accouchement?

R : Prenez bien soin de vous-même; autrement dit : reposez-vous. Chacun a un passe-temps préféré pour se détendre; faites-en une priorité au cours des jours et des semaines à venir. Faites un effort pour manger sainement, dormir suffisamment et faire de l’exercice, car ces facteurs peuvent avoir une grande influence sur votre humeur et sur la qualité de votre sommeil. (4)

Les signes et symptômes de la dépression postnatale

Les sautes d’humeur propres au syndrome du troisième jour, aussi appelé « baby blues » peuvent être causées par les effets d’une chute hormonale soudaine. Celle-ci peut entraîner des sautes d’humeur, des crises de larmes, de l’anxiété et de la difficulté à dormir. Le syndrome du troisième jour ne dure généralement que quelques semaines, à moins que la mère ne souffre d’un trouble de l’humeur préexistant qui prolonge cette période.

La dépression postnatale, elle, s’accompagne d’une myriade de troubles de l’humeur, elle est la version amplifiée du syndrome du troisième jour; ses symptômes sont plus intenses et durent plus longtemps. Ses symptômes peuvent inclure une mélancolie persistante accompagnée de difficulté à effectuer des tâches quotidiennes et un sentiment de détachement de la mère envers son nouveau-né. Si elle n’est pas traitée, la dépression postnatale peut devenir chronique et, dans certains cas, entraîner des pensées d’agressivité envers soi-même, son conjoint ou son enfant, ou encore des idées suicidaires.

Vous pensez souffrir de dépression postnatale? Sachez que vous n'êtes pas seule. Environ une femme sur sept souffre de dépression pendant ou après sa grossesse.La déflation hormonale brutale qui survient après l’accouchement n’est qu’un des facteurs qui entrent en jeu dans cette affection universelle et imprévisible. Ces troubles de l’humeur varient d’une mère à l’autre, parfois même d’une grossesse à l’autre.

Les implications à long terme de l’échec de l’attachement mère-enfant

La National Public Radio (radio publique américaine) a récemment produit une émission pour son balado appelé, Life Kit, qui aborde ce que les familles doivent savoir sur la dépression périnatale, ses symptômes et ses traitements. Jennifer Payne, psychiatre et directrice du Women’s Mood Disorders Center de l’Université Johns Hopkins, y est ainsi citée : « Je dis toujours que si la maman n’est pas heureuse, personne ne l’est ».

La dépression périnatale a été associée à l’accouchement prématuré et au faible poids des bébés à la naissance, et des études ont montré que la dépression postnatale entraîne des retards cognitifs chez l’enfant. Cependant, l’un des processus les plus fondamentaux affectés par la dépression périnatale est l’allaitement maternel, parce que la mère en tire moins de satisfaction et est par conséquent plus susceptible d’abandonner d’allaitement (5).

Comme beaucoup de troubles de l’humeur, l’impact de la dépression périnatale se fait sentir dans toutes les relations de la personne affectée. L’effet de la dépression postnatale sur le lien mère-enfant accapare beaucoup notre attention, ce qui fait qu’on en oublie parfois le conjoint parce qu’il est acquis que cette relation est déjà bien établie. Le ressentiment, les réflexions non objectives, les intentions mal interprétées et le manque de clarté et de joie qu’entraînent sa dépression sont passés sous silence.

Des sources dignes de confiance recommandent certaines méthodes visant à maintenir intacte la force du lien d’attachement qui existe entre les partenaires lorsque l’un ou l’autre vit une dépression. Ces approches comprennent une communication ouverte, de la compassion et des mesures favorisant la santé du partenaire déprimé lorsque la maladie nuit à sa capacité de prendre soin de lui-même.

La dépression postnatale : causes, rétablissement et signes distinctifs

Un problème de santé mentale ne doit jamais être considéré comme la faute de la mère ou une faiblesse de sa part. Ce n’est qu’une complication de la grossesse et de l’accouchement, comme la prééclampsie ou le diabète gestationnel, la dépression postnatale étant encore plus répandue que ces deux affections. 

Les chercheurs ne savent pas exactement ce qui cause la dépression postnatale, mais comme c’est le cas de toutes les maladies mentales, la biologie et le milieu influencent la façon dont une mère ressent ses symptômes.

Les hormones jouent un rôle important dans la dépression postnatale. Les niveaux de certaines hormones — principalement la progestérone et l’œstrogène — augmentent tout au long de la grossesse. Après l’accouchement, ces hormones chutent de façon spectaculaire. Cette baisse des niveaux d’hormones est probablement responsable des sautes d’humeur que de nombreuses femmes éprouvent alors.

De plus, les besoins constants du nouveau-né ont tendance à perturber la routine favorable à la stabilité mentale, exacerbant la dépression postnatale. La grossesse est une étape parfois difficile et certaines font l’objet de complications. Ajoutez à cela des nuits blanches et le renoncement à diverses activités et modes de vie pour prendre soin d’un nouveau bébé. Le manque du soutien familial et des moyens financiers nécessaires pour partager avec d’autres les soins à donner au nouveau-né peuvent exacerber les émotions complexes que ressent la mère.

Les jeunes mères célibataires en situation économique précaire sont plus susceptibles d’éprouver des problèmes de santé mentale. D’autres facteurs de risque incluent le stress conjugal, un accouchement traumatisant et des antécédents de mauvais traitements.

Il est parfois très facile de passer à côté d’un diagnostic de dépression postnatale, de ne pas reconnaître celle-ci et de ne pas la traiter. Les modalités psychothérapeutiques et les interventions pharmacologiques et psychosociales coûtent cher et sont moins accessibles aux populations vulnérables comme les jeunes mères célibataires. Il se peut aussi que la mère souffre déjà d’un trouble de l’humeur qui masque sa dépression postnatale ou dont les symptômes sont semblables et l’empêchent de la déceler. Sa dépression peut également s’installer pendant la grossesse, contrariant les notions que nous pensons savoir sur la dépression postnatale, soit qu’elle ne survient qu’après l’accouchement.

La dépression postnatale n’est pas une faiblesse de caractère. Parfois, elle n’est qu’une complication de la grossesse et de l’accouchement. L’enthousiasme et l’excitation au sujet du bébé diminuent pour faire place à la charge de travail qu’il représente. Le manque d’énergie, de sommeil, de motivation ou de temps pour prendre soin de soi s’ajoute au rationnement des ressources que l’on s’impose pour que bébé ne manque de rien. Si vous souffrez ou soupçonnez souffrir de dépression postnatale, le fait d’obtenir un traitement précoce peut vous aider à gérer vos symptômes et vous aider à créer un lien d’attachement avec votre bébé.

L’un des principaux obstacles auxquels de nombreuses femmes qui souhaitent se faire traiter sont confrontées est la difficulté de convaincre leur famille qu’elles sont malades et qu’elles ont besoin d’aide. La crainte de la stigmatisation, ainsi que les sentiments d’impuissance, de culpabilité et d’anxiété peuvent créer un obstacle insurmontable entre la mère et le traitement dont elle a besoin et qu’elle mérite.

Comment surmonter cet obstacle et obtenir un traitement

Les médecins devraient effectuer un dépistage auprès des femmes enceintes afin de détecter tôt les risques de dépression postnatale et les encourager à se faire traiter avant même d’en présenter les symptômes, leur évitant ainsi la dépression. Les médecins recommandent de rechercher les facteurs de risque suivants : des antécédents de dépression, des symptômes dépressifs et des facteurs de risque socio-économiques comme un faible revenu, un très jeune âge ou l’absence de conjoint. Ils en ont conclu que les femmes à faible ou à moyen revenu sont plus susceptibles de ressentir des symptômes physiques médicalement inexplicables connus sous le nom de troubles somatoformes avec anxiété et dépression (6).

Le Canada dispose de nombreuses ressources professionnelles, dont la plupart sont couvertes par des programmes provinciaux de soins de santé.

Les obstétriciens-gynécologues, pédiatres et omnipraticiens peuvent dépister la dépression et aider les femmes à se faire soigner dès les premiers signes de dépression périnatale ou dans le cas d’une dépression postnatale prolongée nécessitant l’aide d’autres spécialistes.

Les sages-femmes jouent également un rôle crucial dans la détection des symptômes chez les mères souffrant de troubles de santé mentale; elles peuvent leur offrir de l’aide et les aiguiller vers les ressources dont elles ont besoin (7). De nombreuses femmes ne demandent pas l’aide des services de santé mentale, c’est pourquoi le potentiel d’une sage-femme d’avoir un effet positif sur la santé mentale de ces patientes justifie un examen plus approfondi et éventuellement une recommandation de traitement.

En matière de modalités psychothérapeutiques, deux types de psychothérapies verbale, soit la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et la thérapie interpersonnelle (TIP), peuvent prévenir la dépression postnatale chez les femmes à risque. La TCC agit en modifiant les schèmes de pensées et les agissements d’une personne, et la TIP l’aide à améliorer ses relations en perfectionnant ses compétences en communication.

Il existe également des interventions pharmacologiques et psychosociales. Certains antidépresseurs, par exemple, sont considérés comme efficaces et sans danger pendant la grossesse et l’allaitement.

Les médicaments combinés à la thérapie verbale sont plus efficaces que les médicaments seuls. Chacun réagit aux médicaments différemment. Avant de prendre des médicaments, consultez votre médecin afin de vous assurer qu’ils sont sécuritaires pour vous et votre enfant.

S’il ne vous est pas possible de consulter un médecin, que pouvez-vous faire?

Vous pouvez vous adresser à Postpartum Support International, un organisme à but non lucratif qui aide les femmes et leur famille à trouver du soutien pour la dépression postnatale, pour se renseigner davantage sur le sujet et pour être en contact avec d’autres personnes vivant une situation similaire.

Il y a certaines choses que vous pouvez faire par vous-même : il a été démontré que prendre soin de soi-même soulage les symptômes de troubles de santé mentale, comme ceux d’une dépression postnatale, en améliorant votre santé, de sorte que vous pouvez mieux faire face au stress inhérent à l’arrivée d’un bébé. Prendre soin de soi-même signifie manger régulièrement et boire suffisamment d’eau, dormir adéquatement et prendre des pauses pendant la journée lorsque c’est possible, faire de l’exercice (en solo ou avec bébé, profitant de cette activité pour former des liens affectifs avec lui) et rechercher les contacts sociaux. 

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez avez besoin d’un soutien supplémentaire pendant la pandémie, sachez que le service gouvernemental Espace mieux-être Canada est offert aux personnes et aux familles partout au pays. Rendez-vous sur : https://ca.portal.gs/

Ressources :

  1. Maternal mental health in Australia and New Zealand: a review of longitudinal studies. Schmied V et. al. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23583667
  2. Single mothers have a higher risk of mood disorders. Subramaniam M et. al. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24714708
  3. Giving birth in a pandemic: Answering questions about COVID-19 and pregnancy. Marlene Yeung. https://www.ctvnews.ca/health/coronavirus/giving-birth-in-a-pandemic-answering-questions-about-covid-19-and-pregnancy-1.4869249
  4. Having a baby during the COVID-19 pandemic. Sunny Brook Hospital. https://sunnybrook.ca/content/?page=coronavirus-covid-19-women-babies-pregnancy

  5. Does maternal postpartum depressive symptomatology influence infant feeding outcomes? Cindy‐Lee Dennis Karen McQueen. 22 March 2007. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j....
  6. Association of somatoform disorders with anxiety and depression in women in low and middle income countries: a systematic review. Shidhaye R et. al. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23383668
  7. Maternal mental health in Australia and New Zealand: a review of longitudinal studies. Schmied V et. al. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23583667