La science de la dépendance et de la maladie mentale

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Les scientifiques ont longtemps pensé que le cerveau ressemblait à de grands circuits imprimés qui transmettaient l'information sur un réseau à l’aide de signaux électriques.

La recherche vient cependant de changer cette hypothèse.

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Les scientifiques pensaient autrefois que le cerveau ressemblait à de grands circuits imprimés qui transmettaient l'information sur un réseau à l’aide de signaux électriques. Ces messages instruisaient le corps sur la façon de se comporter. La recherche vient cependant de changer cette hypothèse. Les chercheurs examinent maintenant en quoi les évènements de la vie quotidienne et les expériences de vie cumulatives changent la pensée et influencent le fonctionnement général du cerveau. Nous apprenons à quoi ressemble un cerveau sain grâce à l'imagerie cérébrale, la stimulation cérébrale et la génétique.

L'évolution de la recherche nous permet de nous faire une meilleure idée de la façon dont le stress change le cerveau et le rend vulnérable aux maladies. Les personnes positionnées à l'avant-garde de la recherche se penchent maintenant sur la manière dont le cerveau réagit aux interactions sociales et aux influences du milieu. Elles découvrent ainsi les mécanismes qui façonnent les expériences des personnes qui vivent avec une dépendance ou une maladie mentale. La recherche met de l’avant les véritables causes sous-jacentes permettant aux scientifiques de concevoir des traitements précis qui tiennent compte des besoins de chaque patient.1

Les ravages causés par le stress

Le stress exerce un effet certain sur le cerveau et le corps. Il déclenche des réactions qui envahissent le corps d’hormones et de neurotransmetteurs et entraînent une réaction exagérée qui nuit à la capacité du cerveau de s'autoréguler. Le Dr Bessel Van Der Kolk est un psychiatre renommé pour ses recherches sur le trouble de stress post-traumatique (TSPT). Ses études portent sur la façon dont les humains sont programmés pour rechercher la sécurité2 Elles montrent que les personnes qui ont souffert de stress et de traumatismes ont du mal à détendre les régions de leur cerveau qui évaluent le danger. Leur mécanisme de réaction à une menace est toujours en éveil. Cet état d'activation constante fait en sorte que le moindre incident peut déclencher des réactions intenses. Le fait de vivre constamment dans la peur rend difficile l'autorégulation et la capacité de se calmer et d’être à l'aise avec soi-même. Dans les cas de toxicomanie ou de maladie mentale, la personne apprend à compter sur une régulation externe, comme les médicaments, les drogues, l'alcool, la réaffirmation constante ou l’acquiescement compulsif aux souhaits d’autrui3 C'est pourquoi il est essentiel d'élargir la portée de la thérapie et du traitement. Aucun élément à lui seul n’entraîne une dépendance ou une maladie mentale, et nous continuons d'en apprendre toujours davantage sur les multiples facteurs influençant les cycles de la dépendance.

La neurobiologie aide à mettre au point un meilleur traitement

À son niveau le plus fondamental, le cerveau recherche ce qui lui procure une récompense ou une sensation de bien-être; dans la chimie du cerveau, c'est la dopamine. En théorie, nous, les humains, avec nos grands cerveaux complexes, sommes censés pouvoir prendre des décisions qui aboutissent à l’obtention d’une récompense saine ou à l’évitement d’une punition malsaine. C'est cette croyance qui a donné lieu à une grande partie de la regrettable stigmatisation au sujet de la dépendance et de la maladie mentale : on devrait pouvoir « simplement dire non »4

Des neuroscientifiques et des cliniciens cherchent à comprendre pourquoi le problème est beaucoup plus compliqué que la simple modification du comportement. Cela a plus à voir avec la façon dont le cerveau réagit au stress et crée des situations où les émotions négatives, les stimulants du milieu et les associations apprises relativement à des situations sociales prennent le pas sur la décision consciente. Avec la dépendance, ces facteurs déclencheurs – une certaine odeur, un endroit où on a acheté ou consommé une substance – incitent le cerveau à retrouver cet état de bien-être.

Le rétablissement consiste à apprendre à réagir à ces envies de façon à ce que le cerveau ressente néanmoins une récompense. Ainsi, il pourrait s’agir de réentraîner le cerveau à apprécier d'autres sources de plaisir, comme une bonne conversation avec un ami ou un beau coucher de soleil, au lieu de consommer une substance dangereuse et toxicomanogène5 Des médicaments peuvent également être utiles à cet égard, dans le cadre d'une approche de traitement globale. Les médicaments aident à stabiliser le cerveau en manque pendant qu’il se réentraîne au processus de prévoyance et de raisonnement6

Mais il existe d’autres aides que les médicaments. De nouvelles approches, comme la thérapie comportementale, constituent une partie cruciale d’un plan de traitement complet. La TC est polyvalente en ce sens qu'elle peut aider un individu, un groupe de personnes ou la famille du toxicomane à comprendre le rôle que jouent les choix comportementaux face aux réactions naturelles aux facteurs de stress, et en quoi ils affectent les relations interpersonnelles. Les participants à cette thérapie apprennent à prendre conscience de leurs comportements et à les modifier afin de reprendre la maîtrise de leur vie. Par exemple, la thérapie cognitivo-comportementale s’est avérée un traitement efficace contre la dépendance et la maladie mentale lorsqu'elle est combinée avec des médicaments et d'autres thérapies. Elle aide le patient à cerner les modèles improductifs de comportement et de pensée, puis à utiliser ces compétences pour reconnaître ses propres vulnérabilités et les réorienter vers des réactions productives et saines. Plusieurs autres thérapies tirent parti de mesures incitatives, élaborent des approches positives grâce à l'engagement communautaire et encouragent la motivation par le dialogue et le renforcement de comportements sains. Un traitement qui comprend une ou plusieurs de ces techniques combinées à d'autres méthodes et thérapies aide à garder l’intérêt du patient dans son rétablissement.

Y a-t-il un lien entre la toxicomanie et la maladie mentale?

Bien qu'il ne s'agisse pas d'un cas de cause à effet dans un sens ni dans l’autre, il s’est avéré que les liens entre les deux sont plus fréquents qu’on ne le pense. Non diagnostiquée, une maladie mentale ou une toxicomanie peut considérablement aggraver les choses. Nombreux sont ceux qui refusent de croire qu'ils peuvent être aux prises avec les deux, cependant :

  • Environ 50 % des personnes atteintes d’un trouble mental grave sont également aux prises avec une toxicomanie.
  • 37 % des alcooliques et 53 % des toxicomanes souffrent également d’au moins une maladie mentale grave.
  • 29 % des personnes ayant reçu un diagnostic de maladie mentale sont également alcooliques ou toxicomanes7

La consommation d'alcool ou d'autres drogues peut également augmenter le risque de développer des troubles de santé mentale en causant une psychose ou en accélérant ou prolongeant une période de dépression. En fait, elle risque de faire basculer une personne vulnérable. Les interactions médicamenteuses risquent de diminuer l’efficacité des médicaments utilisés pour soigner une maladie mentale. On risque ainsi d’aggraver les symptômes traités ou d’en voir apparaître de nouveaux 8

Les symptômes et les traitements d’une maladie mentale sont différents de ceux d’une dépendance

Lorsque vous cherchez à savoir si vous êtes en présence de toxicomanie et de maladie mentale concomitantes, vous devez être perspicace. Les symptômes ne sont généralement pas les mêmes dans les deux cas.

Une personne aux prises avec une dépendance est généralement assez clairement consciente de la nécessité de maîtriser sa consommation d'alcool, de médicaments ou de drogues. Elle se rend généralement compte, par exemple, qu'elle abuse de ses médicaments d'ordonnance. Elle peut avoir honte de ses actes, regretter certaines paroles qu’elle a dites ou connaître des difficultés relationnelles liées à sa consommation.

Par contre, les troubles de santé mentale se manifestent sous forme de dépression, d'anxiété ou de manie, sans que la personne touchée en soit pleinement consciente. Les symptômes suivants peuvent tous être des signes de maladie mentale grave : sentiment d’impuissance ou de désespoir; agitation, inquiétude, anxiété, énergie fluctuante, troubles du sommeil, diminution de l’appétit, perte de poids, difficulté à se concentrer, irritabilité, emballement des pensées, altération du jugement, nausée, vertige et tension nerveuse.

Le traitement de la toxicomanie peut comprendre la désintoxication, la prise en charge des symptômes de sevrage, la thérapie comportementale et l’adhésion à un groupe de soutien, alors que la thérapie en santé mentale est plutôt axée sur les médicaments, le counseling, le changement du mode de vie et le soutien par les pairs

Ce qu'il faut surveiller pendant le rétablissement

Connaître les situations qui vous rendent mal à l'aise ou vulnérable est une première étape importante de la gestion du stress. Cela pourrait signifier éviter des endroits, des personnes ou des occasions au cours de la journée qui déclenchent des sentiments associés à la drogue ou à l'alcool. Recherchez plutôt des occasions de faire de nouvelles connaissances ou d'essayer une nouvelle activité qui vous a toujours intrigué.

Des contacts réguliers avec votre réseau de soutien sont particulièrement utiles pour vous donner le sentiment d’être appuyé pendant votre rétablissement. Les médecins, infirmières, membres de votre groupe de soutien, vos amis et votre famille sont tous là pour vous aider lorsque vous vous sentez seul, déprimé ou anxieux. Leur parler pourrait vous être salutaire dans les moments où vous sentez seul au monde.

Rappelez-vous les fondements d'une bonne santé physique et mentale :

  • Faire régulièrement de l'exercice.
  • Consommer des aliments nutritifs.
  • Pratiquer la pleine conscience en se concentrant sur l’ici et maintenant.
  • Participer à des activités qui procurent un sentiment de plénitude.
  • Explorer des champs d’intérêt pour apprendre de nouvelles choses.

Ces moyens vous aideront à soulager votre stress et à améliorer votre qualité de vie.

* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.


Références :

1 Camh.

2 Van der Kolk, B. Ph.D. (2015). Le Corps n’oublie rien : Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme. Albin Michel.

3 Ibid.

4 Bierer, M., Ph.D. (dernière révision, le 25 juillet 2017). Is addiction a “brain disease”? Article consulté le 30 juillet 2019 sur le site 

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Help Guide (s.d.) Reports published in the Journal of the American Medical Association as cited in « Understanding the link between substance abuse and mental health ». Article consulté le 30 juillet 2019 sur le site 

8 Ibid.

9 Ibid.