Parler à ses enfants de la santé mentale

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Selon une étude, un Canadien sur trois sera aux prises avec un problème de santé mentale au cours de sa vie (1).

Lorsqu’une famille est touchée par un trouble mental, les enfants peuvent en ressentir de la confusion et de la peur.

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En effet, ils savent que quelque chose ne va pas, mais ignorent l’effet que cela aura sur leur vie de famille. Il se peut qu’ils soient témoins de changements de comportement plus ou moins rapides chez un membre de leur famille et qu’ils craignent de perdre la personne en question. En pareil temps, ils ont besoin de renseignements et d’explications qui les aideront à mieux comprendre ce qui se passe. Nous examinons ici certains principes de base de la santé mentale au sein des cellules familiales, et les messages qui aident à parler aux enfants des problèmes de santé mentale dans le contexte de la dynamique familiale.

Les antécédents de troubles mentaux sont-ils une affaire de famille?

Différents facteurs sont à l’origine des troubles mentaux. Une personne peut courir des risques accrus de trouble mental en raison de ses gènes, mais les preuves abondent que les troubles mentaux peuvent toucher les membres d’une même famille en l’absence d’une cause génétique. Ainsi, il est possible que deux enfants ayant vécu une expérience traumatisante présentent tous les deux des symptômes d’état de stress post-traumatique (ESPT), quoique leur trouble mental puisse se manifester tout à fait différemment. Les symptômes d’un enfant pourraient s’appareiller à ceux du trouble obsessionnel-compulsif (TOC), tandis que l’autre enfant pourrait avoir des comportements perturbateurs et violents.

Ce qu’il est important de savoir est que, quel que soit le rôle des facteurs génétiques, la maladie mentale a des répercussions sur les membres de la famille (2), particulièrement sur les enfants (3).

Les renseignements sur les troubles mentaux fréquents ou probables au sein d’une famille devraient donc être transmis au même titre que les histoires et recettes de famille, surtout lorsque les enfants risquent de s’en ressentir.

La santé mentale est-elle héréditaire?

Comme le montre l’exemple plus haut, il faut faire la différence entre les troubles mentaux dus aux traumatismes dans la petite enfance et la prédisposition génétique à un certain trouble mental, quoique les deux facteurs puissent être en jeu en même temps.

Certaines maladies mentales, comme la schizophrénie, la psychose, la maladie d’Alzheimer, la dépression et plusieurs autres, ont une relation génétique établie, mais tous les troubles ne sont pas automatiquement transmis de parent à enfant.

Lorsqu’on explique ces faits à un enfant, il importe de garder à l’esprit que les enfants envisageront le pire si on leur dit qu’ils peuvent courir un risque accru de trouble mental. Si l’enfant voit un parent aux prises avec un tel trouble, sa peur pourrait encore redoubler. Il importe de rassurer les enfants avec compassion en soulignant que la maladie mentale n’est pas une peine à perpétuité et qu’il existe des moyens de se faire un bon état de santé mentale au moyen d’outils et de stratégies faciles à apprendre.

Quand faut-il aborder le sujet avec ses enfants?

Il existe diverses opinions quant au stade du cheminement en matière de santé mentale auquel il convient de parler aux enfants des troubles mentaux et de leurs effets sur la famille. Faut-il attendre qu’ils posent des questions? Faut-il attendre que la personne touchée cherche à se faire soigner?

En règle générale, il faut parler aux enfants dès qu’ils sont en âge de comprendre qu’un des membres de la famille diffère quelque peu des autres. Les enfants ne murissent pas tous au même rythme et il n’y a pas d’âge précis auquel l’enfant devrait être informé. Pour mieux déterminer ce que les enfants comprennent à différents stades de leur vie, il peut s’avérer utile de consulter son médecin de famille. Bien que l’âge de l’enfant détermine partiellement le vocabulaire à utiliser pour décrire le trouble mental et ses effets, il importe de toujours s’exprimer avec compassion, quelque que soit l’âge et le niveau de maturité de l’enfant — qui sont deux choses tout à fait différentes. De plus, il est important de tenir compte des conversations que l’enfant aura à l’avenir avec ses frères et sœurs et ses amis. Minimiser les risques de malentendus entre enfants contribuera à ne pas perdre de vue l’objectif ultime des conversations en la matière. Les enfants auront besoin de directives sur ce dont ils peuvent parler entre amis et sur ce qui constitue des renseignements confidentiels entre les membres de la famille et le thérapeute familial ou les conseillers en santé mentale.

Expliquer aux enfants ce qu’est la santé mentale

Les troubles de santé mentale touchent tout le monde d’une façon ou d’une autre — et il faut en parler aux enfants d’une manière positive et habilitante, sans fournir de détails trop précis ou dégradants sur les troubles mentaux d’un membre de la famille. Il est important d’expliquer aux enfants qu’il existe divers types of troubles mentaux (4).

En plus d’expliquer qu’il existe divers troubles mentaux et que beaucoup de gens sont confrontés à un problème de santé mentale à un moment ou un autre de leur vie, il est important de faire en sorte que l’enfant comprenne qu’il existe des moyens de prendre soin de sa santé mentale (5).

Pour commencer, il importe d’adopter de bonnes habitudes de santé mentale — sommeil, nutrition, relations sociales, jeux, sports et intéressement à l’école — sans oublier d’autres facteurs de protection susceptibles de limiter les risques chez les enfants (6).

D’autre part, il existe des traitements psychologiques sous diverses formes, de la thérapie par l’art à la thérapie verbale et à la thérapie familiale; la participation à de telles formes de soins pourrait être extrêmement bénéfique aux enfants qui ont de la difficulté à comprendre les effets directs des troubles mentaux au sein de leur famille ou leurs propres sentiments quant à la maladie mentale.

Messages clés aux familles ayant des antécédents de troubles mentaux

Il n’est jamais trop tôt pour commencer à parler de la santé mentale. Les parents, les frères et sœurs plus âgés, et les autres membres de la famille peuvent tous contribuer à dissiper la peur et l’anxiété. Aidez les enfants à compatir aux difficultés des membres de leur famille en leur parlant de la maladie mentale précocement, fréquemment et humainement   (7).

  • Parlez franchement, mais avec optimisme. Passez en revue les problèmes de santé mentale dans la famille, mais n’oubliez pas d’accentuer aussi les points forts de la cellule familiale. Peut-être les membres de la famille adorent-ils les voyages, accordent-ils une grande importance à l’acquisition de savoir ou de nouveaux talents, sont-ils des fervents du sport ou sont-ils assidus des soupers en famille.
  • Parlez du pronostic, mais en vous en tenant aux généralités, et évitez les conjectures sur l’avenir du membre de la famille touché par le trouble mental.
  • Soulignez « les trois C » au sein de la famille pour rappeler à ses membres que la responsabilité d’un trouble mental ne leur revient pas, sauf quand il s’agit d’y faire face : « Je ne peux pas le causer. Je ne peux pas le changer. Je peux me prendre en charge! »
  • Donnez l’exemple quant aux bonnes stratégies d’adaptation et à la prise en main de sa santé, comme de dormir suffisamment, de prendre des repas sains à des heures régulières, de faire de l’activité physique, de voir ses amis et même de s’adonner seul à ses passe-temps.
  • Enfin, aidez les membres de la famille à découvrir les outils, programmes et systèmes de soutien qui les aideront à mieux faire face aux défis posés par la maladie mentale au sein de la famille.

Beaucoup d’enfants et d’adolescents vont avoir différentes humeurs, perspectives et attitudes à divers moments – qui toutes peuvent s’inscrire dans le cadre de leur développement normal. Ils peuvent notamment (8):

  • Avoir des résultats scolaires nettement inférieurs à la normale
  • Éviter leurs amis et leur famille
  • Faire de fréquentes crises de colère
  • Changer leurs habitudes alimentaires et de sommeil
  • Avoir une mauvaise conduite ou se rebeller
  • Consommer trop d’alcool ou se mettre à prendre de la drogue
  • Cesser de pratiquer les activités qu’ils aimaient
  • S’inquiéter constamment
  • Avoir de fréquentes sautes d’humeur
  • Ne plus se préoccuper de leur apparence physique
  • Être obsédés par leur poids
  • Manquer d’énergie ou de motivation
  • Adopter des comportements à risque
  • Se sentir déprimés

Mais ces caractéristiques et comportements peuvent être signes d’un trouble mental sous-jacent s’ils :

  • sont intenses
  • durent longtemps
  • sont inappropriés pour l’âge de l’enfant
  • perturbent la vie de l’enfant

Comment parler des antécédents familiaux de troubles de santé mentale et comment aller de l’avant

Gardez à l’esprit que l’évolution de vos futures conversations devra se faire en parallèle à celle des troubles de santé mentale dont il est question. À mesure que les enfants concernés grandissent et murissent, les types de renseignements à leur fournir doivent devenir plus complexes.

Bien qu’il importe de maintenir la communication à la maison, n’oubliez pas les autres milieux dans lesquels parler des antécédents familiaux en matière de santé mentale— avec son médecin ou un conseiller familial, dans le cadre de la thérapie de groupe, avec d’autres membres de la famille — et ne manquez pas de recourir à votre propre histoire pour établir un dialogue franc et honnête.

Références :

1. Maladie mentale. Gouvernement du Canada. 2017. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladie-mentale.html

2. L'incidence des problèmes de santé mentale sur les membres de la famille. Caryn Pearson. Statistique Canada. 2015. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-624-x/2015001/article/14214-fra.htm

3. Effects of Family Structure on Mental Health of Children: A Preliminary Study Aniruddh Prakash Behere. 2017. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5559994/

4. For Young People Who Have a Loved One with Mental Illness BC Schizophrenia Society (Société de schizophrénie de la C.-B.) 2019. https://www.heretohelp.bc.ca/infosheet/understanding-mental-illness-in-your-family

5. Soutien aux familles et aux aidants Association canadienne pour la santé mentale https://cmha.ca/mental-health/finding-help/family-caregiver-support

6. Mental Illness in Families American Academy of Child and Adolescent Psychiatry. Mars 2015. https://www.aacap.org/aacap/families_and_youth/facts_for_families/fff-guide/children-of-parents-with-mental-illness-039.aspx

7. Help for Families Dealing with Anxiety, Depression, Addiction or PTSD Dr Steven M. Melemis. 2019. https://www.addictionsandrecovery.org/family-support/families-anxiety-depression-addiction-ptsd.htm

8. Santé mentale des enfants et des jeunes : Signes et symptômes. Association canadienne pour la santé mentale2020. https://ontario.cmha.ca/fr/documents/sante-mentale-ds-enfants-et-des-jeunes-signes-et-symptomes/