Survivre à un Deuil ou à une Perte Affective

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Quel que soit votre milieu professionnel, vous finirez tôt ou tard par subir une perte importante, que celle-ci soit personnelle, professionnelle ou les deux, et par vivre un deuil

Celui-ci peut résulter d’un décès dans la famille ou du décès d'un collègue* ou d'un supérieur. Vous pourriez aussi ressentir cette perte à la suite de votre licenciement ou de la mise à pied de nombreux travailleurs à la suite d'une importante restructuration. Quelle qu’en soit la source, le chagrin qui résulte d’une perte peut finir par être problématique et perturbateur pour l'écosystème du lieu de travail.

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Types de pertes et de deuils

Certains d'entre nous associons exclusivement le deuil à la mort d'un être cher ou d'un animal de compagnie. Cependant, il est possible d’être en deuil à la suite de toute perte douloureuse. On peut devoir faire son deuil lors de la perte de son emploi ou de la fin d'une relation, ou à la suite d’un diagnostic d'une maladie ou de tout problème de santé grave.

Il n'y a pas qu’une seule façon, ou bonne façon, de faire son deuil. Cependant, il existe un moyen singulièrement efficace d’exprimer de l'empathie pour le deuil des autres. Brené Brown, auteure du Pouvoir de la vulnérabilité, fait la distinction entre l’impersonnalité de la sympathie et la force de connexion de l'empathie. Elle cite l'infirmière Theresa Wiseman, dont la recherche donne cette définition de

l'empathie : la capacité de reconnaître le point de vue des autres comme leur expérience authentique, de comprendre leurs émotions et de savoir les exprimer/expliquer, et d'éviter de les juger (1).

Dans le milieu de travail d'aujourd'hui se côtoient plusieurs structures de cultures et de religions. Chaque culture possède un ensemble de croyances décrivant le fonctionnement du monde et le rôle que chacun y tient, notamment la façon dont il doit se comporter dans le deuil (2).

Il est utile de se rappeler que chaque culture a des vues particulières et souvent uniques sur le sens de la vie et sur ce qui se passe après la mort. En général, ces idées aident les gens à donner un sens à la mort et à faire face au mystère qu’elle recèle. Certaines cultures voient la vie comme un phénomène cyclique plutôt que linéaire, qui nous ramène à la vie après chaque mort. D'autres croient que l'esprit de la personne décédée influence directement les membres de la famille encore vivants, qu’il veille sur eux.

Dans chaque culture, la mort s’accompagne d’un ensemble de rituels et de coutumes visant à fournir aux proches des moyens de canaliser et d'exprimer leur chagrin. Chez certaines personnes, l'expression du deuil peut différer des normes culturelles, dans le cas, par exemple, d’une personne calme et réservée, peu incline à pleurer ou à exprimer son chagrin. Certains peuvent exprimer un désespoir qui nous semble hors norme, mais nous devons malgré tout leur laisser la liberté de faire leur deuil à leur manière. Les rituels d’autres communautés peuvent nous sembler étranges comparativement aux nôtres, mais ils leurs offrent un moyen de soutenir leurs personnes endeuillées.

Les gens adoptent souvent les croyances et les valeurs de leur culture car elles satisfont leurs circonstances et besoins particuliers. Cela dit, le deuil peut varier d'une personne à l'autre au sein d'une même culture. Il arrive

qu’une famille dont les membres proviennent de plusieurs milieux culturels développe ses propres rituels et coutumes, combinant des éléments de plusieurs cultures.

Il arrive également qu’une personne endeuillée se sente emportée dans la tourmente. Peu importe leur origine, les rituels et coutumes lui apportent un sentiment

d’apaisement et de normalité. Ils lui fournissent une direction et une structure à un moment où le chaos de l'émotion pourrait facilement prévaloir. Ainsi, lorsqu'un collègue est en deuil, posez-vous les questions suivantes :

  • Quelles sont les croyances de sa famille entourant la mort?
  • Quels sont généralement les rituels et émotions entourant la mort dans sa culture?
  • Qui doit assister aux cérémonies et qu’attend-on des participants en matière de comportement et d'habillement?
  • Quels types de soutien, matériel ou émotionnel, sont attendus?
  • Quelles sont les expressions de condoléances verbales ou écrites appropriées?

Envisagez de vous informer auprès d’une connaissance qui partage le même bagage culturel, ou cherchez de l’information sur Internet si cela vous met plus à l'aise.

L'ignorance des différences culturelles au sujet du deuil risque de causer des conflits ou des malentendus en milieu de travail, alors que la compassion et l'acceptation créent des liens et aident la personne endeuillée à tourner la page. Voici quelques éléments à prendre en considération:

Au moment où la personne endeuillée réintègre le travail:

  1. À la première occasion, exprimez vos condoléances (si vous ne l'avez pas déjà fait).
  2. Ayez l’air le plus naturel possible. Essayez de garder votre expression faciale et votre ton de voix habituels lorsque vous lui parlez.
  3. Conservez vos anciennes habitudes. Si vous dîniez souvent ensemble, continuez à le faire.
  4. Faites preuve de sensibilité dans vos paroles. Si vous ne savez pas quoi dire ou comment le dire, avouez votre malaise et demandez-lui si elle souhaiterait parler de son deuil ou se concentrer plutôt sur le travail. Elle vous le dira, et vous devez respecter sa volonté.
  5. Les exemples suivants illustrent des choses que vous devriez éviter de dire lorsque vous essayez de soutenir une personne qui a récemment subi une perte.

Les choses à ne pas dire :

  1. Je sais ce que tu ressens. Chaque perte est unique. Demandez-lui plutôt comment elle se sent, mais seulement si vous savez qu’elle souhaite en parler sur les lieux de travail. De plus, ne tentez pas d’exprimer votre empathie en lui parlant d’un deuil que vous auriez vous-même vécu.
  2. C’est la volonté divine ou C’était le plan de Dieu. Cela risque de déclencher sa colère, et elle pourrait vous répondre quelque chose comme « Quel plan? ». Pour certains, Dieu n’a rien à voir dans tout cela.
  3. Appelle-moi si tu as besoin de quoi que ce soit. Elle ne vous appellera pas. Il est de beaucoup préférable de lui offrir quelque chose de concret. Dites-lui par exemple : J'ai un peu de temps libre. Si tu veux, je pourrais venir te voir et me rendre utile.
  4. Il /elle (la personne décédée) ne souffre plus maintenant. Des clichés de ce genre peuvent être blessants si des circonstances délicates ou difficiles sont en cause.
  5. Il est temps de te prendre en mains. Chacun vit son deuil à sa façon et à son propre rythme. Ce n'est pas à vous de déterminer la durée du deuil.

Les étapes du deuil

Nous savons maintenant que le deuil comporte généralement cinq étapes, mais la façon dont celles-ci se déroulent est unique et probablement nuancée, impliquant des émotions qui se manifestent ou disparaissent, d'une manière apparemment cyclique (3).

Les cinq étapes du deuil

  • Le déni
  • La colère
  • Le marchandage
  • La dépression
  • L’acceptation

Les gens manifestent leur chagrin de plusieurs manières, éprouvant à leur façon tour à tour tristesse, choc, colère, peur et anxiété. Certains se sentent émotionnellement engourdis, tandis que d'autres se sentent soulagés ou en paix après une perte. Certains peuvent même se sentir coupés du monde et déconnectés de la vie quotidienne, y compris du travail. Dans tous ces cas, un soutien est nécessaire pour que la personne endeuillée puisse aller de l'avant et tourner la page.

Pour soulager sa peine, une personne endeuillée doit reconnaître sa douleur et se permettre de vivre son deuil. Un deuil non résolu peut entraîner des complications telles que la dépression, l'anxiété, la toxicomanie et des problèmes de santé physique. Une introspection par le biais de l'écriture, de la peinture, de la musique ou d'autres formes d'expression créative peut être une excellente façon de favoriser la guérison. Et n’oubliez pas que les larmes sont un moyen naturel de libérer la douleur.

Soyez conscient que certaines personnes n'ont peut-être jamais subi de perte importante et qu'elles ne possèdent pas l'expérience ou les outils psychologiques nécessaires pour soutenir leurs collègues. Il faut à ces personnes un plan établi qui leur permettra d’aider leurs collègues sans se laisser consumer par la situation.

Comment aller de l'avant

Le deuil peut parfois sembler interminable et insupportable, mais il faut pourtant à un certain moment reprendre une vie normale. Bien que certaines habitudes puissent avoir changé, la nécessité de travailler demeure souvent présente. Que se passe-t-il alors ? Aller de l'avant ne signifie pas oublier; c'est simplement s’adapter afin de pouvoir tourner la page.

Prendre conscience de notre propre tristesse peut nous donner l’élan qu’il faut pour aller de l’avant, mais comment pouvons-nous offrir du soutien à un collègue en deuil au moment où il en a besoin (4)?

Les employés d’une entreprise ont une double responsabilité : la première est celle qu’ils ont envers leur employeur; la seconde concerne leur obligation de faire en sorte que le travail se déroule dans un écosystème sain, ce qui signifie en partie qu’ils doivent s'intéresser raisonnablement au bien-être de leurs collègues. La majorité des travailleurs passent la plus grande partie de leur vie professionnelle entourés de gens qu’ils ne considèrent pas comme des amis. Bien que nous passions souvent plus de temps avec nos collègues qu'avec nos proches, nos interactions avec eux, si elles sont généralement cordiales, n’en demeurent pas moins superficielles. Les collègues et les superviseurs d’une personne ayant perdu un être cher ne savent pas toujours comment réagir face à son deuil. Il est difficile de savoir ce qu’il faut faire ou dire, ce qu'il ne faut pas faire ou dire, et combien de temps ce malaise durera (5).

Nous exprimons des pensées bien intentionnées et notre sollicitude, mais il est possible que nous fassions preuve sans le savoir d’un manque de sensibilité vis-à-vis de son deuil. La personne endeuillée peut percevoir notre réserve comme signifiant qu'il est temps pour elle de « se prendre en main », alors qu’elle a peu de contrôle sur ses émotions et peut ne pas être en mesure de maîtriser son attention. Les travailleurs dont l’emploi demande un très haut degré de concentration peuvent être sujets à des distractions en pensant au défunt et faire des erreurs qu'ils ne commettraient habituellement pas. À ces émotions intenses s’ajoute l'anxiété quant à la façon dont ils se sentent perçus par leur employeur et leurs collègues. Une personne endeuillée peut craindre de perdre encore davantage, son travail peut-être, ce qui risque d’aggraver sa tristesse et son anxiété. Il existe deux façons d’aider un collègue en deuil, et il est sage de trouver un juste équilibre entre les gestes d’aide et le respect de son espace personnel. Des paroles en apparence bien intentionnées, comme : « prend ton temps » ou « fais ce que tu dois faire », peuvent être insuffisantes et créer une distance malaisante entre collègues. Si vous avez déjà une bonne relation avec la personne endeuillée et si vous savez respecter son droit à sa vie privée, vous pouvez lui poser des questions sur sa perte au cours de conversations sur le sujet. En même temps, il est essentiel de demeurer respectueux et conscient du moment où la conversation devient malaisante, lorsque la personne donne des indices, verbaux ou non, de son besoin de changer le sujet. Les conseillers en deuil suggèrent de s’exprimer franchement et de dire, par exemple, « Je ne sais pas quoi dire, mais je me soucie de toi, et je suis là pour toi si tu veux en parler ».

Rappelez-vous que le deuil n'est pas linéaire, et il peut être assez compliqué. Les sentiments, pensées, réactions et difficultés liés à ce type de douleur sont très personnels. Ces pensées ou sentiments peuvent parfois sembler contradictoires, et l'intensité du chagrin peut changer au fil du temps. De plus, il n'est pas rare, alors qu’on pensait avoir fait son deuil, de le voir ressurgir à cause d’un déclencheur inattendu. Les Fêtes, par exemple, sont reconnues comme des déclencheurs parce qu'elles suscitent beaucoup d'émotions, de nostalgie, de souvenirs et de pressions familiales.

Que faire pour se remettre d’un deuil?

Différentes stratégies peuvent aider à soulager un deuil.

  1. Tout d'abord, n'essayez pas d'accélérer votre deuil ni celui de vos proches. Il est normal d'avoir besoin de temps pour accepter une perte.
  2. N'hésitez pas à parler de vos sentiments ou réactions à des gens en qui vous avez confiance. Demandez-leur de vous aider. Parler de ce que l’on ressent accélère souvent le rétablissement.
  3. Soyez à l’écoute des personnes qui ont subi la même perte que vous. Vous bénéficierez ainsi d'un soutien et d'une compréhension mutuels.
  4. Prenez soin de votre santé physique. Le chagrin peut vous stresser et vous rendre malade. Consultez votre médecin si vous avez un souci de santé.
  5. Prenez le temps de réfléchir aux autres pertes que vous avez subies. Vous y découvrirez probablement des similitudes avec celle que vous vivez actuellement. Cela pourrait la normaliser et vous redonner espoir.
  6. Reprenez progressivement vos activités préférées, en particulier celles qui vous dynamisent ou qui « rechargent vos batteries ». Trouvez de nouveaux champs d’intérêt; faites-vous de nouveaux amis.
  7. La perte d'un proche est une expérience douloureuse qui nous met souvent dans un état d'impuissance ou de confusion. Rappelez-vous qu’il faut du temps pour apprivoiser une telle expérience. Rappelez-vous également que de nombreuses ressources sont à
  8. votre disposition si vous avez besoin d'aide.
  9. N'hésitez pas à nous appeler si nécessaire. Un professionnel de votre programme d'aide peut vous aider à vivre votre deuil.

Chacun vit son deuil à son propre rythme. Un milieu de travail doté d’un plan réfléchi et facile à suivre pour faire face à la douleur a de meilleures chances d'atténuer le chagrin lié au deuil et d’éviter que celui-ci ne devienne problématique et perturbateur (6).

Si vous-même ou un proche avez des questions sur les services offerts en cas de deuil ou de perte affective, parlez-en à votre employeur ou au représentant de votre Programme d'aide aux employés et à leur famille.

Références :

  1. The RSA. YouTube (2013) Source: https://www.youtube.com/ watch?v=1Evwgu369Jw&list=PLt7b6WnSW1ynvTqyu3l_WnAEMhMmwXYl
  2. LivingMyCulture. (2019) Source: https://livingmyculture.ca/culture/
  3. Kessler, David (2019) Source: https://grief.com/the-five-stages-of-grief/
  4. What are Stuck Points in Grief? WYG (2019) Source: https://whatsyourgrief.com/what- are-stuck-points-in-grief/
  5. Perreault, Yvette. (2011) Source: https://www.catie.ca/sites/default/files/When%20Grief%20Comes%20to%20Work_f.pdf
  6. When Grief Goes From Just Plain Miserable to Problematic. (2018) Source: https://whatsyourgrief.com/grief-goes-just-plain-miserable-problematic/